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Vue d’atelier

Maëlle Labussière
    maellelabussiere@orange.fr
    94100 ALFORTVILLE

Maëlle Labussière développe des réseaux de lignes, tracées dans un geste obsessionnel, rehaussées de couleurs vives qui suscitent de fascinantes interférences optiques. Elle élimine la question du champ pictural en pratiquant une forme de all-over qui repousse les limites du tableau au-delà de ses bornes géométriques. Elle ne s’appuie pas sur la répétition obsessionnelle d’un module unique, mais développe plutôt un processus de type génésique, à caractère fractal, où les autosimilarités suscitent une forme de vertige, celui de la mise en abîme. Le recours à des fonds métalliques dont les capacités réfléchissantes ne sont que partiellement occultées procède aussi de cette volonté de création d’une troisième dimension. Certaines de ces compositions, à l’instar des shaped canvas, sont présentées à quelques centimètres du mur, faisant d’elles des volumes de facto, des sculptures capables de projeter une ombre… D’autres pièces, composées de modules rectangulaires juxtaposés, sont présentées dans l’angle de deux murs, lointain écho des contre-reliefs de Tatline…
Dans ses dessins, les lignes parallèles ou légèrement obliques se combinent pour créer des interférences visuelles, des battements optiques qui animent et font vivre le plan du papier. Elles tiennent à la fois de la partition musicale et de la neige aléatoire de la mire d’accueil d’une chaîne télévisée. Quand l’œil arrive à se concentrer sur un des traits et à le suivre, il constate de légères imperfections dans sa linéarité, des décrochements, des petits détours pour éviter des obstacles inexistants, des rapprochements et des écartements avec ses voisins… Accidents, voulus ou subis, qui évitent la froideur impersonnelle et sans âme que généreraient des parallèles parfaites. Dans ses peintures, notamment dans ses compositions en plusieurs panneaux, la linéarité se brise aux limites de chaque volet, rebondit, se réfracte ou se diffracte, pour repartir en sens inverse, de façon plus ou moins biaise, pour finir par saturer la surface de l’œuvre. Dans certaines de ses œuvres sur papier, elle joue sur les superpositions de feuilles translucides – on parle de papier pelure, étymologiquement dérivé du mot peau – qui révèlent, par transparence, un réseau de lignes, souvent rouges, allusion aux muscles, aux tendons, au sang et aux veines d’un écorché.
Dans l’installation présentée, les dessins tiennent au mur au moyen d’adhésifs argentés qui se prolongent au-delà de la surface de la feuille. Ces dessins deviennent ainsi partie intégrante du mur qui se trouve alors (re)dessiné. Les lignes, présentes matériellement mais aussi parfois absentes, du fait de la couleur métallisée, se croisent et structurent la surface du mur, permettant l’accueil d’autres éléments. L’espace mural, le rapport au corps influent sur la mise en espace finale qui se monte, tel un jeu de construction, petit à petit, sans projet prédéfini. De même que chaque peinture ou dessin se construit par superpositions, le mur se construit par juxtaposition d’éléments. La cohabitation d’œuvres variées par leur date, leur format, leur technique, désacralise l’objet, tout en lui laissant une autonomie. La saturation accentue le balisage et permet des accointements inattendus. Le regard circule, non d’une façon linéaire, mais balise l’espace du mur, qui devient un tableau à part entière.

LD