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Surplomb

Frédéric Daviau
    daviaufrederic@orange.fr
    94250 GENTILLY
    

Frédéric Daviau, inlassablement, dessine des paysages, en noir et blanc, à la mine de plomb, ou rehaussés de quelques taches de couleur. Ils sont souvent panoramiques, comme saisis à distance, d’un point de vue légèrement surélevé. Ils ont tous un petit air de famille, donnant l’impression qu’ils décrivent le même secteur, boisé et légèrement vallonné. On y décèle l’influence des paysagistes hollandais, au premier rang desquels Salomon van Ruysdael.
     Le paradoxe est que ce pays si bien figuré n’existe pas, du moins géographiquement parlant. Ces dessins sont tous d’imagination, réalisés en atelier sans le moindre modèle. Si paysage il y a, il ne peut être que mental, fruit de la vision intérieure d’un pays de cocagne dont les rythmes doivent plus à l’architecture et à la musique qu’à la topographie.
     Curieusement, toute trace de présence humaine en est bannie. Tout au plus peut-on imaginer une route ou un chemin dissimulé derrière les feuillages, ou l’herbe d’une prairie récemment fauchée. Les alignements des arbres n’ont rien de fortuit ou d’anarchique. Ils témoignent aussi d’une présence active et créatrice… Mais il s’agit à l’évidence de la projection idéalisée de la personnalité de l’artiste plutôt que des effets de l’action d’un quelconque paysagiste ou exploitant agricole.
     Aucune violence ni véhémence, seulement les luxe, calme et volupté chantés par Baudelaire. La déambulation ne peut être physique et éprouvante. Elle est celle du regard et de la pensée qui l’accompagne, focalisés par un menu détail ou élargis aux dimensions d’une feuille qui devient monde. Les tensions sont rythmiques et mélodiques comme dans la partition d’une écriture musicale horizontale d’où serait bannie toute velléité harmonique.
     Frédéric Daviau nous incite à nous poser la question de ce qui distingue une création raisonnée d’un travail humain de celle d’une nature laissée à elle-même, incontrôlable. Peut-être que, après tout, il n’est question, dans ces dessins, que de temps, d’un temps qui serait celui d’une respiration lente, au rythme d’une pensée méditative, d’une introspection aux accents sensuels, comme une étreinte amoureuse qui s’appliquerait vainement à embrasser tout l’univers.

LD